LE MAGAZINE DES TENDANCES MODE & LIFESTYLE
XAVIER TERLET, SENIOR ADVISOR DE PROTEINES XTC, EST L’UN DES GRANDS EXPERTS DES TENDANCES DU MARCHE ALIMENTAIRE ET DE L’EVOLUTION DES COMPORTEMENTS DES CONSOMMATEURS. SPECIALISTE DE L’INNOVATION ET DU BENCHMARK, IL NOUS DECRYPTE CE MARCHE EN PLEINE MUTATION QUI DOIT A LA FOIS S’ADAPTER AUX BESOINS DES CONSOMMATEURS, MAITRISER SES COUTS, OPTIMISER SA POLITIQUE RSE ET CONTINUER D’INNOVER MALGRE LA BAISSE DE LA CONSOMMATION EN VOLUME. RENCONTRE AVEC UN PASSIONNE QUI ACCOMPAGNE LES MARQUES DANS LEUR QUETE D’INNOVATION DEPUIS PLUS DE 30 ANS.
BIO EXPRESS
XAVIER TERLET A DEBUTE SA CARRIERE DANS LA COMMUNICATION ET LA PUBLICITE DANS LES ANNEES 1980. SPECIALISTE DE LA GRANDE DISTRIBUTION, IL A EDITE LES JOURNAUX DES MAGASINS CARREFOUR, LA LETTRE D’INFORMATION HEBDOMADAIRE NOUVEAUX PRODUITS, NOUVEAU MARCHE PUIS LE GUIDE OFFICIEL DES NOUVEAUX PRODUITS. AYANT VENDU SA SOCIETE D’EDITION AU GROUPE STRATEGIE AU DEBUT DES ANNEES 1990, IL LANCE XTC EN 1993, UN CABINET D’ANALYSE ET DE VEILLE DE TENDANCES ALIMENTAIRES SUR LE NET AXE SUR L’INNOVATION ET L’EVOLUTION DU MARCHE. IL EST NOTAMMENT A L’ORIGINE DE L’ARBRE DES TENDANCES, UNE MATRICE D’ANALYSE SIMPLE D’UTILISATION POUR BOOSTER LES INNOVATIONS. DEPUIS LORS, IL ACCOMPAGNE LES MARQUES SUR DIFFERENTES MISSIONS : TENDANCES, STRATEGIE D’INNOVATION ET BENCHMARK. EN 2023, SA SOCIETE XTC A FUSIONNE AVEC PROTEINES, UN CABINET DE CONSEIL SCIENTIFIQUE SPECIALISE DANS LA STRATEGIE, L’INNOVATION ET LA COMMUNICATION POUR LES ENTREPRISES DE L’AGROALIMENTAIRE. IL EN EST DEVENU SENIOR ADVISOR.
Les enjeux du marché alimentaire ont-ils évolué ?
On est passé de la profusion, avec l’avènement des hypermarchés dans les années 1960, à l’ère de la praticité avec par exemple l’arrivée du micro-ondes dans les années 70 aux États-Unis. Si le plaisir et la tradition étaient en vogue dans les années 1980, c’est la santé fonctionnelle et les alicaments qui ont dominé les années 1990 et 2000. La naturalité est née dans les années 2010 comme une réponse aux crises alimentaires à répétition. Depuis, on connaît l’explosion du végétal. Aujourd’hui, le consommateur est en quête de valeurs, ce qui se traduit par une recherche de sophistication, de santé, d’éthique, de solidarité ou d’écologie. En outre, le choc inflationniste rebat les cartes avec 21 % d’augmentation des prix des produits alimentaires ces deux dernières années. La consommation alimentaire en volume s’est affaissée pour la première fois depuis des décennies. La pauvreté alimentaire est malheureusement une réalité. Parallèlement, le marché du bio, florissant pendant plus de dix ans (avec des croissances de 10 à 15 % suivant les années), est en train de fléchir. Les producteurs bio payent cher une politique de prix souvent exagérée. Il ne faut pas qu’il y ait de fossé entre l’alimentation à valeur ajoutée et les aliments conventionnels. Le bio, par exemple, ne doit pas être réservé aux riches. L’enjeu du marché alimentaire réside avant tout dans la généralisation des bonnes pratiques. La notion de plaisir est devenue centrale dans la foodosphère.
Comment expliquez-vous ce phénomène ?
L’alimentation tient un rôle central dans le budget des ménages car il est l’un des rares vecteurs de plaisirs multiples au quotidien. De façon sous-jacente, il y a la notion de petite récompense de la journée. La notion de « petit plaisir » est d’ailleurs dans le viseur des industriels qui ne manquent pas d’imagination pour innover sur ce segment. Le consommateur effectue des arbitrages et place le plaisir au cœur de sa consommation alimentaire. C’est pour lui un dû... Même dans le végétal, où l’on recherche plutôt la santé, l’éthique et l’écologie. Par ailleurs, la préparation des légumes a été largement plébiscitée par les chefs qui se sont faits les ambassadeurs du régime végétal. Les livres d’Ottolenghi par exemple sont une belle illustration de cette quête de plaisir liée aux fruits et légumes.
Les tendances alimentaires sont-elles réactionnelles, des réponses aux problématiques que nous rencontrons dans notre monde chahuté ?
Les injonctions de santé, quand elles sont seules, ne fonctionnent pas. Les échecs ont été nombreux. L’un des plus cuisants est celui d’Essensis du groupe Danone en 2010, un yaourt dont la promesse était de nourrir la peau de l’intérieur. Danone avait juste oublié de préciser que son yaourt était bon. Après la covid, on a beaucoup parlé d’alimentation doudou, mais aussi de produits booster d’immunité. Le contexte a bien sûr une incidence sur l’offre. Face à la pandémie, à l’inflation et au contexte politique et économique, on a besoin de s’offrir des petits plaisirs. Et quoi de mieux qu’un carré de chocolat par exemple pour se délester de son fardeau de la journée ? Il faut néanmoins différencier les phénomènes conjoncturels, des phénomènes structurels qui sont des réponses aux évolutions sociétales : baisse de la natalité, vieillissement de la population, diminution du nombre de personnes dans le foyer, nouvelles tribus, etc.
Les marchés de niches sont-ils des opportunités pour les marques ?
Oui, à condition que la niche en question ne soit pas trop concurrentielle. Le marché des substituts de viande, par exemple, est très encombré ces dernières années avec des succès très relatifs. Il ne faut pas oublier que les vegans ne représentent que 0,7 % de la population et les végétariens pas plus de 3,5% . D’autres technologies en devenir me semblent plus prometteuses comme la fermentation de précision par exemple qui permet de créer de la caséine d’origine non animale, et qui pourrait être utilisée dans de nombreuses recettes industrielles. Par ailleurs, la santé individualisée est intéressante car elle apporte des réponses aux besoins de chacun. Des produits plus inclusifs et décomplexés fleurissent ça et là dans les rayons des supermarchés, à l’exemple de produits estampillés senior ou des tisanes pour les règles douloureuses ou pour la ménopause. Au différents microbiotes et à l’ADN des individus voient le jour. Mais attention, les échecs sont nombreux. Innover est un sport à risque puisqu’une innovation sur deux ne passe pas l’année. Au-delà d’un réponse spécifique innovante, il faut que le bénéfice soit lisible et perçu comme tel par le consommateur avec un prix adapté à ce bénéfice.
Quelles sont les évolutions prévisibles en termes de labellisation ?
Trop de labels tue le label ! Il en existe plus de 120 dont la plupart sont totalement inconnus des consommateurs. Mis à part le label rouge, le bio ou les notations comme le Nutriscore qui ont le mérite d’être lisible, mieux vaut miser sur des applications d’informations alimentaires ou de traçabilité développées par des tiers de confiance comme Yuka ou Open Food Facts. Personnellement, je milite plutôt pour un enseignement de l’alimentation à l’école. Connaitre les aliments, savoir les cuisiner permettrait aux enfants de devenir des adultes plus responsables et en meilleur santé dans l’avenir.
Que pensez-vous de la blockchain ?
Je pense que notre production et notre industrie alimentaire n’a pas pris la mesure de l’importance de la data (blockchain, internet des objets…) et des conséquences à venir à court termes. Toutes les informations sur toutes les transactions d’un bout à l’autre de la filière seront bientôt accessibles au consommateur. Le client saura tout sur son jambon en linéaire : dans quelles conditions le porc a été élevé, nourri, soigné, transporté et abattu…. Les opérateurs qui ne se préparent pas à cette révolution de l’info prennent de gros risques.
Manger est-il devenu un acte citoyen ?
Sur le papier bien sûr, mais dans la réalité c’est en 1/ le prix, en 2/ le plaisir et en 3/ la santé et 4/ la planète.
Quelles-sont les clés pour résister à l’impact de l’inflation ?
Tout d’abord, ce n’est parce que la conjoncture est difficile qu’il faut arrêter d’innover. Au-delà des innovations scientifiques, vous pouvez apporter un souffle nouveau en facilitant la préparation des plats, en proposant des portions individuelles, en rendant plus accessible un produit essentiel ou en aidant les consommateurs à moins gaspiller. Picard a eu, en son temps, un succès fou par exemple avec ses carrés de potiron car c’est une tannée de les éplucher. Charal vend désormais ses steaks à l’unité pour pouvoir consommer de la viande lorsqu’on fait ses courses avec 10 euros en poche. Et Lesieur a lancé l’année dernière Olizea, une huile accessible composée de 80 % d’huile de colza et de 20 % d’huile d’olive pour assaisonner ses salades.
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