VINCENT GRÉGOIRE
Directeur Consumer Trends & Insights de Nelly Rodi

SPÉCIALISTE DE LA PROSPECTIVE, NELLY RODI EST UN CABINET DE CONSEIL EN STRATÉGIE EXPERT DANS LE SECTEUR DES INDUSTRIES CRÉATIVES. ELLE ACCOMPAGNE LES ENTREPRISES, DE LA DÉFINITION DE LEUR STRATÉGIE DE MARQUE À LEUR DÉPLOIEMENT OPÉRATIONNEL. IL S’AGIT DE RÉPONDRE À DES OBJECTIFS DE RÉSULTAT, ET D’ACCOMPAGNER LES MARQUES AVEC CRÉATIVITÉ, ENGAGEMENT ET CONVICTION. DEPUIS SA CRÉATION EN 1985, ELLE MET AU POINT DES MÉTHODES RIGOUREUSES ET SENSIBLES POUR DÉCRYPTER LES COMPORTEMENTS D’ACHAT DES CONSOMMATEURS, DÉCRYPTER LES ÉVOLUTIONS SECTORIELLES ET ACCOMPAGNER LES INDUSTRIES CRÉATIVES AU SERVICE DE LA DÉSIRABILITÉ DES MARQUES. VINCENT GRÉGOIRE, DIRECTEUR CONSUMER TRENDS & INSIGHTS NOUS PARLE DE L’ÉVOLUTION DE SON MÉTIER, DES COMPORTEMENTS D’ACHAT DES NOUVELLES GÉNÉRATION ET DES INNOVATIONS PORTEUSES D’ESPOIR POUR TOUS LES SECTEURS CRÉATIFS

BIO EXPRESS // 

DANS LA MODE. D’ORIGINE RENNAISE, IL FAIT L’ÉCOLE CAMONDO EN ARCHITECTURE INTÉRIEURE POUR FAIRE PLAISIR À SON PÈRE, MAIS LA MODE LE RATTRAPE PUISQU’IL GAGNE PLUSIEURS CONCOURS AYANT ATTRAIT AUX ACCESSOIRES DANS LE CADRE DE SES ÉTUDES. GRAND ADMIRATEUR DE LA BANDE DES HALLES DE SERGE KRUGER ET GAGNÉ PAR L’EFFERVESCENCE CRÉATIVE PARISIENNE, L’ARCHITECTE PHILIPPE PARENT LUI CONSEILLE DE PROSPECTER LES BUREAUX DE STYLE. SES DADAS À L’ÉPOQUE : CRÉER DES MOODBOARD ET SE METTRE DANS LA PEAU DES CLIENTS POUR IMAGINER LEUR VIE. NELLY RODI N’AYANT PAS DE POSTE À LUI PROPOSER, ELLE LUI PRÉSENTE L’ARCHITECTE AGNÈS COMAR QUI LUI DONNERA SA CHANCE. IL TOUCHE À TOUT : VITRINES, RELATIONS PRESSE, MISES EN SCÈNE POUR ELLE DÉCO OU MAISON FRANÇAISE. C’EST SEULEMENT À 28 ANS, LORSQU’ELISABETH LERICHE ET FRANÇOIS BERNARD QUITTERONT NELLY RODI POUR MONTER LEUR PROPRE BUREAU, QU’IL INTÉGRERA ENFIN L’AGENCE POUR DÉVELOPPER LE SECTEUR ART DE VIVRE. DEPUIS 32 ANS, IL CONTRIBUE AU DÉVELOPPEMENT DU BUREAU DE STYLE, SON DÉPLOIEMENT À L’INTERNATIONAL ET A SA RESTRUCTURATION PERMANENTE. DEPUIS PLUS DE 10 ANS, IL S’EST MUÉ EN CABINET DE CONSEIL EN STRATÉGIE EXPERT DANS LE SECTEUR DES INDUSTRIES CRÉATIVES SOUS LA HOULETTE DE PIERRE FRANÇOIS LE LOUET – LE FILS DE NELLY RODI. AUJOURD’HUI, IL EN EST LE DIRECTEUR CONSUMER TRENDS & INSIGHTS.

 

Quelles sont vos différentes missions ?

Notre cabinet de conseil intègre trois pôles : le premier Consumer Trends & Insights a pour clé d’entrée le consommateur, ses comportements et sa sociologie (ce que l’on appelle le social listening). Notre rôle est de nourrir d’informations les départements créatifs, de les informer sur les tendances et de les faire gagner en compétence sur des thèmes comme l’interculturalité par exemple. Nous proposons des analyses approfondies des modes de vie, du contexte et des identités culturelles. Nous abordons à la fois le planning stratégique et les tendances génériques. Business, le deuxième pole, s’intéresse aux évolutions sectorielles (beauté, mode, maison, lifestyle) et à l’évolution des marchés moyen, haut de gamme et luxe. Nous travaillons sur des problématiques transversales et réalisons des études qualitatives grâce à des focus groupe. Le troisième pôle Créatif a trait à la sociologie grâce au social listening. Notre rôle est de nourrir d’informations les départements créatifs et business et de les informer sur les tendances. Nous intervenons à la fois sur les territoires d’expression, l’esthétique et les couleurs, matières & finitions. Nous avons la chance d’être présent dans 22 pays avec des agents parfois exclusifs comme au Japon, en Corée ou aux États-Unis. Nous sommes des accompagnateurs transversaux, des passeurs d’énergies créatives et stratégiques, mais nous ne faisons plus que du sur mesure et clé en main. Le bureau de tendance traditionnel s’est mué en une agence conseil en stratégies business et créatives. Les tendances sont un sujet transversal, qui va bien au-delà d’un cœur de métier.

Comment cette mutation s’est-elle effectuée ?

Il a fallu négocier l’ère du numérique, puis la culture de l’algorithme. Nous sommes en mue permanente. Par exemple, nous avons commencé à traiter le sujet du RSE depuis plus de dix ans, mais nous sommes certifiés B Corp seulement depuis le début d’année. Ce processus a été très long et très profond, mais nous avons été bien accompagnés par un talent expert. Cet audit nous a obligé à nous poser non seulement des questions sur « qui on était ? », mais aussi sur « ce que l’on voulait devenir ? ». Depuis cette démarche, on a vraiment changé de mindset. En arrière-plan, il y a vraiment une question de morale et d’exemplarité. Aujourd’hui, on a acquis une vraie légitimité en RSE qui nous permet de l’intégrer à nos pôles prospective, business et créatif.

Parlez-nous des comportements des consommateurs…

Chez Nelly Rodi, nous travaillons par typologie de consommateurs et par driver de consommation. Nous avons cinq profils distincts que nous utilisons également pour les approches RSE. Le driver Fonction est le cœur du réacteur (environ 37 % de la population). C’est un individu qui s’intéresse uniquement à l’utilité et à la praticité du produit. C’est celui qui dé-consomme le plus. Dans sa bouche, les tendances sont quasiment un gros mot. Tradition (environ 23 % de la population) se particularise par un goût prononcé pour l’héritage, le patrimoine et les conventions. Expression (environ 9 % de la population) est le plus friand des tendances car il aime les produits show-off, personnalisés et même bling-bling. Il recherche la reconnaissance dans sa consommation et devient très ingénieux lorsqu’il veut obtenir les pièces qu’il convoite. Très connecté et avide de tendances, il est influencé par les célébrités. Émotion (environ 17 % de la population) est un consommateur réactionnel. Son leitmotiv ? « J’adore où je déteste. » Quand il aime un créateur, il en est fan voire addict ; il est spontané et presque irrationnel dans sa façon de consommer. Enfin, Raison (environ 16 % de la population) est un consommateur sans compromis. C’est un « empêcheur de tourner en rond » car il demande l’avis de sa communauté avant de consommer, multiplie les applis de traçabilité comme Yuka et est capable de boycotter un produit. Il fait également partie des «NoNo’s » : no gluten, no children, no meat. Expert, moraliste et radical, il adore conceptualiser et connait les lois sur le bout des doigts. Ce « Consumer Profile Tracker » en forme de roue nous permet de cartographier les marques par rapport aux profils de consommateurs qu’elles souhaitent cibler. Par exemple, les consommateurs de Vuitton comportent 30 % de traditionnel contre 70 % d’expression, à contrario d’Hermès qui est dans des proportions inversées. C’est un outil très efficace pour parler le même langage avec les clients, définir des objectifs clairs, travailler sur la désirabilité des marques et même élaborer des tendances spécifiques. Les marques doivent connaître parfaitement leur cible, savoir où elles en sont et où elles veulent aller : élaborer des scénarios stratégiques qui leurs sont propres.

Pensez-vous qu’on aura un jour un label mode à la manière d’un Nutriscore ?

Je ne suis pas un fervent partisan de la labellisation mais si le consommateur a besoin d’une info, il doit savoir où la chercher. Le full RSE ne fonctionne pas. Ce n’est pas le rôle des marques d’être coercitives. Du côté responsabilité environnementale, je crois plus en la carotte qu’au bâton, à la récompense et au ludique plutôt qu’à la culpabilité et à la punition.

Parlez-nous de la GenZ…

En termes de responsabilité environnementale, il y a un véritable gap entre son discours et ses actions. En revanche, elle peut avoir une prise de conscience violente et des réactions radicales face à certains événements : la divulgation d’une vidéo tournée dans un abattoir par L214, la naissance d’un enfant, une maladie grave dans son entourage. Elle ne voit pas le monde de la même façon que les générations qui l’ont précédées. Elle évolue dans une bulle numérique, une espèce de « safe space » depuis qu’elle est née. L’immédiateté lui semble naturelle, et elle est particulièrement synthétique car elle va toujours vers la facilité. Paradoxalement, elle s’écoute beaucoup et n’hésite pas à multiplier les concepts identitaires : HPI, Queer… C’est une génération finalement assez décomplexée, ce qui crée une forme de fracture générationnelle avec les X et les Boomers. Parallèlement, avec la succession des périodes de crise, elle s’adapte et fait même preuve de débrouillardise. Quand la crise survient, la GenZ sait se montrer solidaire et jouer la carte de l’entraide. C’est aussi la première génération pixel car elle est très à l’aise avec l’IA et les objets connectés.

Que pensez-vous justement de l’arrivée de l’IA dans le secteur de la mode ?

L’IA est sans émotion et sans intuition, mais c’est un très bon outil pour traduire ses textes et pour être plus rapide dans son processus créatif (créer des moodboards, des images…). Mais, si le prompt de départ n’est pas bon, le résultat sera forcément décevant surtout pour la partie rédactionnelle. Pour que l’IA soit vraiment efficace en termes de créativité, il faut mixer les vieilles méthodes et les nouveaux outils, s’obliger à être multicanal et surtout garder son libre-arbitre.

Quelle est votre méthodologie de prospective ? 

La première étape de notre travail consiste à être ultra curieux pour décrypter les signaux faibles : des éléments qui font sens, déstabilisants ou des dissonances qui nous poussent à nous remettre en question. On les trouve partout, dans la rue, les réseaux sociaux, les galeries, les médias. C’est une énorme pêche aux infos qui donnent lieu à un rapport d’étonnement. On prend également en compte les événements prévus dans le futur qu’ils soient sportifs, politiques ou culturels. Pour vous donner un exemple concret. Avec la sortie du film Barbie en 2023, on savait qu’il y aurait du rose et une flambée du discours féministe. Nous nous intéressons à tout même à l’astrologie… L’année du dragon, 2024, était lourde de symbole et promettait d’être agitée… Dans la seconde phase, on tranche dans le vif en misant sur les pistes qui nous semblent les plus légitimes. On les hiérarchise par thème et par ordre de priorité. 

Y a-t-il des tendances réactionnelles ?

Oui bien sûr. La tendance traditionnaliste, par exemple, qui prône le retour de la femme au foyer et qui fait fureur outre-Atlantique est une réponse au féminisme exacerbé qu’on a pu observer pendant quelques années. Ce qui est intéressant, c’est que cette tendance, qui risque de durer, donne lieu à tout un tas d’autres tendances : le retour du genre, des uniformes à l’école, des cours de masculinité. Pendant la covid, pour tromper leur solitude, certains individus ont carrément créé des hôtels des souvenirs avec des photos de leurs proches et des objets qui les réconfortaient. Cette capacité à trouver des ressources par soi-même a perduré. Dans un autre registre, 45 % des Genz regarderaient leur horoscope et porteraient un porte-bonheur pour leur rendez-vous après avoir pécho sur le Net.

Qui incarne pour vous l’espoir dans la mode ?

Dans un esprit French Touch, Ami et Jacquemus. J’adore les oxymores. D’un côté Alexandre Mattiussi d’Ami prône une mode exclusive, avec des collections néo-bourgeoises, des égéries classiques et un fantasme de l’intello parisien assumé. De l’autre, Simon Porte Jacquemus joue la carte de la spontanéité avec une caricature léchée de la féminité, un univers solaire, inclusif et délibérément provincial. Ce sont deux visions opposées de la mode, des arts de vivre très différents, une belle illustration de la bipolarisation que l’on vit actuellement.

Quelles initiatives ont retenu votre attention ?

Le gigantesque projet AlUla du Plan Vision 2030 de l’Arabie Saoudite qui propose la création, sur un site de la taille de la Belgique, d’un complexe archéologique, culturel et touristique, aux allures de musée vivant à ciel ouvert. AlUla entend devenir un projet de référence en matière d’inclusion, de développement durable, centré sur la préservation absolue de l’environnement, respectueux de l’histoire et de ses autochtones. Dans un tout autre registre Neom, la nouvelle ville futuriste de la province de Tabuk qui devrait achever ses travaux en 2025 promet de nous faire vivre le film Dune en vrai à grand renfort de taxis volants, de valets robotisés, de plages phosphorescentes et de lune artificielle. Une vraie cité de science-fiction. Enfin, je suis devenu un grand adepte du collectif de Brooklyn MSCHF (à prononcer « mischief » ndrl). Ils produisent un large éventail d'œuvres d'art, allant des plugins de navigateur aux baskets, en passant par la photographie réalisée par IA. Anti-consommation, non traditionnel, irrévérencieux, souvent surréaliste et presque punk, ce collectif multiplie les provocations. Sa tagline actuelle est d’ailleurs : You get what you get. And you don’t get upset ». Un vrai poil à gratter tout à fait réjouissant et une mise en abîme de notre société pleine de fraîcheur.

 

 

 

 

Flair, la nouvelle étude de la Fédération française du prêt-à-porter féminin...

LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DU PRÊT-A-PORTER FÉMININ A PUBLIÉ EN JUIN DERNIER UN LIVRE BLANC POUR RÉPONDRE AUX INCERTITUDES DU FUTUR DE L’INDUSTRIE ET AIDER LES MARQUES A S’ORIENTER DANS L’AVENIR NÉBULEUX DE LA MODE EN S’ADAPTANT AUX DÉFIS CONTEMPORAINS ET FUTUR DU MARCHÉ. CETTE ÉTUDE ANNUELLE DE SECTEUR RÉALISEE GRÂCE AU SOUTIEN DE DÉFI MODE PORTE LE NOM ÉVOCATEUR DE FLAIR. ELLE REVIENT SUR LES ÉVOLUTIONS MAJEURES DU MARCHÉ À MOYEN ET LONG TERME ET À L’AMBITION DE GUIDER LES MARQUES VERS UN AVENIR DURABLE ET INNOVANT. 

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